vendredi 29 novembre 2013

Le néolibéralisme est une anthropologie de la guerre, par Nadir (Nadj Popi)


Walther Rathenau (1867 – 1922) joue un rôle essentiel parce qu’il influence à la fois Friedrich Hayek (1899 – 1992) et Carl Schmitt (1888 – 1985).
Ainsi Hayek mobilise Schmitt parce qu’il a aussi pour figure tutélaire Rathenau.
Rathenau appliqua les méthodes de l’économie en temps de guerre aux périodes de paix : il s’agit de transformer la société en mobilisant l’opinion et en forgeant cette dernière.
Je propose de qualifier le néolibéralisme comme un socialisme utopique visant à forger une anthropologie de la guerre (en temps de paix) : voila pourquoi le néolibéralisme planifie et organise la crise en contribuant à la formation d’une anthropologie de guerre et donc d’une citoyenneté sacrificielle en période d’austérité qui exige une situation d’état d’urgence permanent (coup d’État permanent) et des mesures d’exception qui contreviennent au fonctionnement de la démocratie.
La politique néolibérale d’austérité, en sus de transférer la richesse vers la classe des rentiers forge une citoyenneté sacrificielle (mobilisation de l’opinion, dramatisation des enjeux) et donc une anthropologie de la guerre.
Hayek a recours à Schmitt parce qu’Hayek comme Schmitt sont à l’école de Rathenau.
Rathenau est donc aux sources du néolibéralisme qui est indissociable de l’autoritarisme et de la culture de la guerre.
L’idée que le néolibéralisme façonne une véritable anthropologie de la guerre peut nous permettre d’appréhender l’idée de Karl Polanyi (1886 – 1964) selon laquelle le néolibéralisme parce qu’il génère une anthropologie agonistique nous amène au fascisme, au nazisme, et à la guerre. Retour Blog de Paul Jorion...

mardi 26 novembre 2013

Aux « benêts » rouges…

 

 
L’APLI Nationale communique :
Aux « benêts » rouges…

 
Le 27 novembre 2013
« L’injustice sociale est une évidence si familière, elle est d’une constitution si robuste, qu’elle paraît facilement naturelle à ceux qui en sont victimes ». (Marcel Aymé).

Certes cette citation, reprise par l’APLI Nationale, convient parfaitement aux éleveurs bretons et français. La révolte est donc justifiée, mais de là, à manifester avec ceux qui nous ont mené dans le mur depuis des décennies, il y a un pas que l’APLI Nationale se refuse catégoriquement à franchir.

Les mouvements protestataires actuels révèlent, certes, un malaise profond, une angoisse grandissante, ils apparaissent cependant tardifs et inappropriés et seront donc, après l’explosion salutaire de la colère, inefficaces.

En effet, les causes de la situation restent inavouées, les cibles critiquées erronées, les responsables oubliés.

La politique productiviste, dévastatrice pour les filières des volailles et du porc, suicidaire pour le peuple (travailleurs et consommateurs) poursuit sournoisement sa mise en place dans les autres filières d’élevage.
La concentration de la production laitière en particulier, avance à grands pas, occultant les évidences que le présent dévoile au grand jour.

Le cas des éleveurs Bretons est plus sensible parce qu’on leur a promis la lune, fait croire qu’ils étaient les meilleurs, servi toutes les filières d’élevage (dernièrement le lait), sans tenir compte de leur travail et de leur salaire, enchaînés de parts sociales et de contrats bidon.

Les éleveurs des autres régions connaissent les mêmes difficultés, mais éprouvent moins cette sensation d’avoir été manipulés et trompés.

La machine infernale d’exploitation de l’éleveur poursuit son travail de sape.
Éleveurs Bretons et Français, il nous faut rester mobilisés et motivés.
Mais ne nous trompons pas d'adversaire.

Regardons du côté de nos coopératives qui tirent toujours les prix vers le bas.
Demandons des comptes à nos responsables et élus professionnels qui profitent de l’ire générale pour se fondre dans la masse, fuyant toutes responsabilités.

Ne tombons pas dans le piège de la concurrence entre régions.

Défendons des prix et non des volumes.

Soutenons les initiatives tels que la mise en place de l’écotaxe, premier pas vers une répartition homogène des productions sur tout le territoire, limitant les inconvénients du libéralisme à outrance.

L’APLI Nationale ne participera pas au mouvement tentant, mais malsain des « benêts » rouges.

Manifester au sein d’un comité de convergence des intérêts Bretons, sous les ordres Mr Glon (Sanders, filiale de Sofiprotéol (X. Beulin)) ou de Jacques Jaouen (FNSEA), co-gestionnaires et responsables de la situation actuelle, autant demander à un éleveur Charentais, Basque, Normand ou Breton d’aller à Paris soutenir les revendications des céréaliers, nantis, du Bassin Parisien.

Impossible !

Pour l’APLI Nationale.
André Lefranc, Président
06.08.28.25.76

lundi 25 novembre 2013

Les leçons des jacqueries fiscales des agriculteurs d’Ile de France

 
 
Les leçons des jacqueries fiscales des agriculteurs d’Ile de France

A leur tour, les agriculteurs d’Ile de France se sont joints jeudi au concert des « jacqueries » fiscales.

Le revenu moyen de ces agriculteurs a été en 2012 de 97 800€. Comme le signale le Figaro lui-même, le revenu moyen a été de 73 000€ en Picardie et 67 100€ en Champagne-Ardennes.

Ces régions sont des régions de grandes cultures, céréales et oléagineux. Les hausses de 20% du prix des céréales ( 58% des agriculteurs d’Ile de France sont des céréaliers) et de 15-20% des prix des oléagineux, expliquent ces revenus. D’ailleurs, dans la France entière les revenus des céréaliers ont été de 72 000€.

A l’inverse les revenus des éleveurs et des viticulteurs ont diminué. Les premiers en raison :

  • de la hausse du prix des céréales et oléagineux pour l’alimentation animale,
  • des prix d’achat trop bas des grandes surfaces, pour les filières bovines,
  • d’une concurrence allemande salariale insupportable pour la filière porcine,
  • des intempéries pour les viticulteurs.
Dans ces conditions, la participation des agriculteurs d’Ile de France à la fronde fiscale plurielle, a, comme d’autres, un relent politicien évident.

Le tropisme droitier des agriculteurs et surtout de leurs dirigeants


La défense de la propriété, qu’ils soient propriétaires ou fermiers, le souci de l’ordre, en regard du désordre citadin, a toujours poussés les agriculteurs à droite.

« Midi Rouge » des années 1900-1980 exclu, qui penche cependant maintenant vers le front national.

A l’élection présidentielle de 2012, 40% des voix agricoles ont été à Nicolas Sarkozy, 20% à Marine Le Pen et Bayrou, et seulement 8% pour François Hollande.

La FNSEA a donc toujours été tout naturellement du côté droit de l’échiquier politique plutôt que du gauche.

En 1986, quand Jacques Chirac devient le premier ministre de François Mitterrand, il appelle immédiatement François Guillaume, alors président de la FNSEA , au Ministère de l’Agriculture,

Ses successeurs , Lacombe et Guyau avaient aussi de fortes attaches à droite, Luc Guyau est membre de l’UMP, Jean-Michel Le Metayer fut aussi un compagnon de route récompesnée par la droire.

Xavier Beulin, aujourd’hui aux commandes, est céréaliers et protéiculteurs dans le Loiret, et président de Sofiprotéol, ce qui ne le pousse pas naturellement vers la gauche.

Les gros poussent les petits à droite


Ces présidents ont toujours su, avec habileté, manœuvrer la base agricole, y compris les éleveurs ou les « petits » polyculteurs-éleveurs, dont la « situation de classe , comme disait le vieux Lukacs, les rapprochait plutôt du prolétariat, vers une “ position de classe ” et un comportement électoral de droite.

Aujourd’hui, nombre de petits éleveurs, dont le revenu est fréquemment inférieur au SMIC, pour des journées de travail de 12 heures et plus, rejoignent le Front national, à l’instar de nombreux autres “ prolétaires ”.

Comment-ont procédé les dirigeants agricoles, et les politiques de droite pour rameuter en permanence cet électorat ?

Depuis 50 ans, avec le Crédit agricole dont les dirigeants avaient le même tropisme politique, ils se sont arrangés pour que le déclin de l’agriculture, et, pour le dire plus net, la disparition des exploitations marginales, garde un rythme “ socialement ” tolérable, les SAFER organisant en en même temps la concentration des terres.

En 20 ans la moitié des exploitations a disparu.

Une politique agricole commune favorable aux gros exploitants


Ils se sont appuyés pour ce faire sur la Politique agricole commune (PAC).

Celle-ci a été défendue bec et ongles par tous les gouvernements de droite, ceux de gauche étant obligés de suivre, terrorisés par la FNSEA. De Gaulle n’a accepté, en 1958, de mettre en œuvre le Marché commun qu’à cette condition.

Dans les années 62-80, la France bloquait les négociations à Bruxelles -on “ arrêtait la pendule ” pour respecter symboliquement les délais- tant que la France n’avait pas obtenu le maximum espéré.

Son intransigeance lui a d’ailleurs fait négliger d’autres domaines dans lesquels il eût peut-être été plus judicieux de s’investir pour nos jeunes d’aujourd’hui. Mais les agriculteurs allemands, danois, belges, hollandais, et même anglais , dont les dirigeants nationaux reprochaient, par ailleurs, à la France, le coût excessif de son agriculture, profitaient bien en silence des mêmes subventions.

Ce n’est qu’en 1980, avec l’arrivée de Margaret Thatcher, qu’un frein fut mis à la PAC ; la dirigeante anglaise réclamait en effet son chèque en remboursement des versements anglais (“ I want my money back ”).

La PAC était alors exclusivement fondée sur l’aide aux prix. Quand ils exportaient aux prix inférieurs du marché mondial, les agriculteurs recevaient une restitution. Tout naturellement, les plus gros producteurs s’enrichissaient et, comme ils se multipliaient avec la concentration des terres, la FNSEA, qu’ils dirigeaient de fait, maintenait cette pression éminemment “productive” sur les gouvernements français.

A partir de 1992, trente ans après le début de la PAC, fut enfin amorcée, une réduction des prix garantis, avec des aides directes pour compenser.

En 2003, ces “aides à l’exploitation” remplacèrent les aides par les prix. Mais comme ces aides sont attribuées à l’hectare, les mêmes en profitent toujours, malgré les quelques contraintes écologiques imposées, que d’ailleurs ils contestent.

En fait on a créé, à côté de la rente foncière liées à la construction, une rente foncière agricole européenne. Pour la répartition de ces subventions, le nouveau ministre de l’agriculture, dans l’idée de favoriser les exploitations moyennes, a décidé de favoriser les 52 premiers hectares de chaque exploitation ; les exploitations de moins de 52 hectares, constituent 62% des exploitations, mais les grandes exploitations profitent aussi de cet avantage sur leurs 52 premiers hectares, y compris nos frondeurs d’l’Ile de France, et nos céréaliculteurs de 100 ou 200 hectares.


Exploitations agricoles selon la superficie agricole utilisée en 2010 (SSP, Agreste via Insee)

Plus encore, la perte de subvention ne saura excéder 30% à horizon de 2020. Les manifestants franciliens, dont certains se plaignent sans vergogne que leur subvention va baisser de 55 000 à 45 000€ (Le Monde 21 novembre) n’ont guère de souci réel à se faire.

Leurs recettes de subvention sont, de plus, assez bien gardées confidentielles puisque seules sont publiées les aides accordées aux structures collectives, mais pas les recettes des exploitations individuelles.

Une autre agriculture économiquement saine est possible


La pauvreté va donc continuer à régner dans une bonne moitié des exploitations notamment animales.

Pourtant une vraie réforme serait possible. D’une part laisser les plus gros céréaliculteurs et protéiculteurs, comme nos viticulteurs – ceux du Languedoc montrent le chemin- se battre sur le marché mondial.

D’autre part, pour l’élevage, se fixer deux voies :

  • 1) celle de l’hyperproductivité, à la hollandaise ou la danoise, avec des exploitations géantes dont la production est destinée à l’exportation, mais avec, aussi, des contraintes de réutilisation énergétique des déchets ;
  • 2) d’autre part, pour l’élevage encore, mais aussi pour les fruits et légumes, autour de toutes les villes de 20 000 à 50 000 habitants (à étudier) l’installation d’exploitations destinées à l’alimentation des agglomérations, de plus en plus en “ bio ”, ce qu’on dénomme le “ kilomètre zéro ”.
Faute de quoi certains pourraient rêver de la voie anglaise qui, avec les enclosures des XV-XVIII èeme siyècle a réduit de 80% son petit paysannat, en important une nourriture moins chère pour ses ouvrers, et se trouve maintenant avec quelques exploitations rentables… aidées par la PAC. Comme sa reine avec 470 000€ et le Prince Charles avec ses 181 000€ ! Suite...

mardi 12 novembre 2013

LES PRÊTRES D’UNE RELIGION FÉROCE par paul Jorion

 
Choisissez le sous titrage en français
 
Jusqu’ici, les membres de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), constituaient pour moi une entité abstraite : il s’agissait de gens existant quelque part, manifestement dans l’erreur, et une erreur coupable et dangereuse, mais j’étais bien incapable de leur mettre un visage, si ce n’est pour leurs principaux dirigeants, lesquels sont engagés désormais dans un bras de fer réjouissant, révélateur du désarroi qui les gagne.
 
 
Mais hier, j’ai vu et entendu au Parlement européen, deux membres de la Troïka, et pas des moindres puisqu’ils dirigent l’équipe qui « s’occupe » de la Grèce : Servaas Deroose pour la Commission européenne et Klaus Masuch pour la Banque centrale européenne, et là, mon opinion sur la Troïka a tout à fait changé.
 
Il ne m’est plus possible désormais d’imaginer qu’il pourrait s’agir avec eux de gens se trompant de bonne foi : je n’ai en effet entendu que des camelots de foire débitant des boniments, appelant « victoires », des déroutes sanglantes, qualifiant de « chiffres encourageants » la mesure quantitative de l’effondrement de la zone euro, prenant appui sur les preuves rétrospectives de leurs errements passés pour appeler à un effort supplémentaire dans la même direction et, à bout d’arguments devant les démentis que leur offre la réalité, blâmant les Grecs qui « refusent de faire ce qu’on leur demande » !
 
Mais qu’attendre d’autre de la part d’économistes car c’est bien ce qu’ils sont, qui nous expliquent depuis cent quarante ans que si leurs prévisions sont systématiquement fausses, ce n’est pas parce que leurs théories sont sans fondement mais parce que les hommes hélas ne sont pas suffisamment rationnels au sens psychopathique qu’ils ont attribué de leur côté au mot « raison ».
 
Que pouvons-nous faire pour les ramener précisément à la raison ? Rien hélas : ce sont les prêtres d’une religion féroce qui se co-optent entre eux, loin, bien loin, de toute élection démocratique. Nous en sommes réduits, à l’instar des parlementaires européens hier, à les couvrir de nos quolibets, à les poursuivre de nos lazzi, à chercher à les faire taire sous nos sifflets, mais si cela calme nos nerfs, cela ne suffit pas malheureusement à les empêcher de nuire de plus belle.