jeudi 19 septembre 2013

AG APLI sur le blog de Michel Sorin.




Les éleveurs laitiers de l'APLI en AG nationale à Landelles et Coupigny

Modeste mais combative, l’Apli s’organise dans la sérénité
Toute jeune (elle est née en 2008 avec la crise laitière), l’Association des producteurs de lait indépendants tenait son assemblée générale nationale 2013 le 5 septembre dans le sud du Calvados, près de Vire, à Landelles-et-Coupigny.
 
Après un début d’année perturbé en interne, suite aux divisions provoquées par les élections aux chambres d’agriculture, suivies de démissions de quelques membres de l’équipe nationale, l’édifice est resté debout et se retrouve avec une meilleure stabilité.
 
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Les responsables sortants ont soumis leurs rapports à l’approbation de la centaine de membres présents, qui représentaient le millier d’adhérents au niveau national.
Photo : Isabelle Connan, Paul de Montvalon, Hubert Marin, André Lefranc, André Pflimlin (de gauche à droite)
 
Rapport d’activité présenté par Isabelle Connan (22), rapport financier par Hubert Marin (61), rapport moral (voir par ailleurs) par André Lefranc (50), président du conseil d’administration, qui ne se représentera pas en novembre pour un nouveau mandat.
Paul de Montvalon (Pays de la Loire, 49) a présenté le document réalisé par European Milk Board: EMB, (l’organisation confédérale européenne à laquelle adhère l’Apli) sur le coût de la production laitière en France (qui ne prend pas en compte le capital).
Sur l’année 2012, il a été constaté de grandes différences selon les 9 régions laitières (bassins laitiers définis par le ministère de l’agriculture pour l’attribution des quotas laitiers) et une moyenne de 39 centimes par kilo de lait produit (33 dans le Grand Ouest, 47 dans le Massif central). Les producteurs laitiers ont perçu sur la même période, en moyenne nationale, 31,4 centimes d’euros par kilo de lait. Cet écart (8 centimes en moyenne) est à l’origine des trop nombreuses cessations d’activité laitière.
 
Richard Blanc (Nord) a présenté l’opération FaireFrance, nouvelle marque qui commercialise du lait UHT dont le prix est réparti équitablement entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Voir La première brique de lait équitable «made in France» en magasin (Le Figaro, Eric de la Chesnais, 2 juillet 2013).
Le prix est un peu plus élevé pour les consommateurs mais la formule leur plaît car ils sont attachés à l’agriculture et cette formule leur garantit que 10 centimes par litre sont redistribués aux producteurs sociétaires (c’est la société coopérative FaireCoop qui gère le dispositif).
L’objectif est d’associer les consommateurs et, ainsi, de faire en sorte que les agriculteurs ne soient pas seulement des producteurs de lait mais des éleveurs qui contrôlent la filière laitière. Au niveau national, ils sont 800 producteurs adhérents à FaireCoop. Chaque adhérent assure quelque journées d’animation dans les grandes et moyennes surfaces de sa région : présentation du concept et dégustation de « Lait équitable ». Ils sont aidés par 8 animateurs salariés, au niveau national, qui vérifient si les produits FaireFrance sont effectivement présents dans les magasins (actuellement 500 000 bouteilles produites, distribuées dans un peu moins de la moitié des magasins).
L’objectif est d’atteindre 2 % du marché national et, à plus long terme, 4 %. L’inauguration nationale de FaireFrance aura lieu le 28 septembre 2013 au Champ de Mars à Paris.
Le président rappelle que l’objectif est de tirer l’ensemble des prix du lait vers le haut (alors que les coopératives laitières ont fait le contraire depuis des années).
 
André Pflimlin intervient en qualité d’expert sur les perspectives de l’économie laitière dans le monde et la situation en Europe en 2015 après les quotas (voir par ailleurs).
 
Au cours du débat avec la salle, Richard Blanc et Paul de Montvalon, notamment, ont répondu aux questions.
Richard Blanc, qui se situe près de la frontière belge, dans l’Avenois (il est adhérent d’une coopérative laitière belge), note que les coopératives acceptent des augmentations de volume de lait produit par les adhérents, ce qui n’est pas le cas de Lactalis. Elles laissent produire, s’occupant du reste. La référence pour l’Apli, c’est le Poulet de Loué. Les producteurs maîtrisent l’ensemble. Le plus difficile, c’est de se lancer dans la communication avec les consommateurs dans les magasins.
Nous sommes dans un monde économique dominé par la finance, laquelle confisque 40 % des bénéfices et 18 % des remises d’impôts. 170 personnes maîtrisent la richesse mondiale et les riches ne sont pas partageurs.
Lactalis paie des pénalités pour ne pas publier ses résultats. Ses actifs ont progressé de 2 milliards d’euros en peu de temps.
Ce qu’il y a de mieux dans l’Avenois, ce sont les tribunaux paritaires créés en 1946, et les SAFER pour la maîtrise du foncier.
 
A une question sur la faille dans le système coopératif, il est répondu par André Pflimlin que les coopératives ont échappé aux agriculteurs (sauf les fruitières). Elles sont gérées comme des financiers, pratiquent la course à la concentration.
 
Paul de Montvalon indique que les coopératives veulent mettre en place un comité de surveillance des coopératives, au niveau national, mais il ne sera pas composé de gens indépendants. Ils seront issus du HCCA (Haut Conseil de la Coopération Agricole), dirigé par Christiane Lambert, qui vient de succéder à Xavier Beulin.
 
Va-t-on manquer de lait ? Le fossé se creuse entre les régions. Ainsi, la Bretagne (+ 10 %) et le Sud-Ouest (- 18 %). Chez les industriels, il faut faire la différence entre les gros (Lactalis, Bongrain, Danone, notamment) et les petits, qui font de la valeur ajoutée et du développement, mais qui risquent de manquer d’approvisionnement, si les vivres leur sont coupées pour les faire chuter.
 
A une question sur la politique agricole, il répond qu’il n’y a rien. Le ministre actuel de l’agriculture fait la même politique que son prédécesseur.
 
Changer de laiterie ? Il faudra attendre la fin des contrats de 5 ans. Certains quitteront les coopératives s’ils trouvent une laiterie qui accepte de les collecter. Les opportunités à venir se situent au niveau des coopératives. Suite...


AG 2013 de l'APLI : le président André Lefranc fait le bilan et rassure



Un rapport réaliste et encourageant pour l’avenir

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L’APLI existe et continuera d’exister. André Lefranc, président de l’ASSOCIATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE LAIT INDEPENDANTS, l’a martelé lors de l’assemblée générale, le 5 septembre 2013 dans le Calvados (voir Les éleveurs laitiers de l'APLI en AG nationale à Landelles et Coupigny - 12 septembre 2013).


 


Il restera membre du conseil d’administration mais ne sera pas candidat au renouvellement de son mandat de président, en novembre, ayant besoin d’accorder davantage de temps à son exploitation. Voici le texte du rapport qu’il a présenté.


 

Rapport moral AG APLI 2013

 

En préambule de ce rapport moral, j’aurais aimé pouvoir  vous  annoncer que notre stratégie consistant, certes, à contester et à dénoncer, mais aussi et surtout, à systématiquement  proposer des alternatives crédibles. Que cette stratégie, donc, avait  porté ses fruits.

J’aurais aimé pouvoir vous annoncer qu’enfin :
- la régulation était  acquise,
- que les coûts de production étaient effectivement et définitivement pris en considération,
- que les éleveurs s’étaient  regroupés dans une structure unique pour négocier,  faisant par là même, abstraction de leurs diverses sensibilités,
- bref, que notre avenir de producteur laitier s’éclaircissait durablement.

Malheureusement, malgré la légère embellie actuelle du prix du lait, il m’est impossible de tenir un tel discours.
-Parce que les comptabilités de vos fermes vous le rappellent,
-parce que votre voisin a cessé la production  laitière,
- parce que des régions entières perdent leur potentiel de production,

Vous savez que nous sommes loin du compte pour pouvoir  être rassurés sur la sécurité, la visibilité, la confiance et la prospérité dont nous avons tant besoin pour nous-mêmes et pour nos territoires.

Peut-on dire pour autant qu’il faille être pessimiste ? Non. Mille fois non.

Si l’APLI n’avait pas existé, il y a longtemps que nous serions tous contractualisés, isolés et ignorants, devenant, comme programmé par des penseurs intéressés, de la main-d’œuvre bon marché  nécessaire à leurs profits juteux.
L’APLI c’est la petite graine qui a bien germé et réveillé les consciences.
L’APLI, par ses actions médiatiques, a interpellé aussi bien les consommateurs que les décideurs
. Pour preuve notre mouvement est l’objet d’une étude très sérieuse de la part d’étudiants de science politique qui posent cette question : « Quels rôles  les agriculteurs jouent-ils dans l’élaboration des politiques publiques qui les concernent ? » et  justifient l’intérêt de cette étude, « qui aura ( je cite) entre autre pour objectif de démontrer aux agriculteurs l’importance de leur pouvoir d’influence, non seulement dans les couloirs des ministères, mais également dans la rue grâce au soutien médiatique que leurs actions peuvent susciter.
L’APLI c’est bien le grain de sable qui empêche la machine infernale de nous écraser, même si les résultats de notre lutte menée depuis 4 ans ne semblent pas à la hauteur de toutes nos espérances.

Notre action  aura  cependant permis de  prendre  du temps.
Temps précieux de la réflexion et de l’analyse pour chacun d’entre nous, avant de s’engager individuellement dans la poursuite de l’activité laitière ou de la réorientation de nos exploitations, voire de la cessation.

Temps précieux également pour notre association, cette petite graine qui après avoir bien germé doit prendre racine. Il lui faut du temps pour bien asseoir ses orientations. Certains peuvent s’impatienter mais nous, paysans, savons pourtant bien qu’avant la récolte il faut laisser à la plante le temps de croître et d’arriver à maturité.

Beaucoup d’éleveurs, et moi le premier, avions pensé que l’épreuve de force de la grève du lait serait une guerre  éclair, que nous gagnerions facilement. L’arrêt, sans doute prématuré, de l’action a pu être durement vécu par certains. Mais nous avons  été et sommes toujours confrontés à des difficultés qui nous contraignent plutôt à mener une guerre de tranchées. On ne lâche rien et avançons pas à pas.

Nos principales difficultés, dois je le rappeler, sont:

- Le manque de moyens d’abord qui nous empêche de mener de front toutes les actions et constructions, nous obligeant à hiérarchiser selon l’actualité, la législation ou les besoins.
- Le manque de soutien ensuite.
Nous sommes les seuls à n’avoir qu’un unique objectif, la défense du producteur de lait.
Certains défendent un type d’agriculture au détriment de l’homme, d’autres défendent prioritairement leur structure.
Sur ce sujet précis, s’il est une leçon à tirer c’est bien celle de la stratégie de l’indépendance. Nous ne devons plus nous égarer dans des relations trop consensuelles avec comme seul objectif de fédérer coûte que coûte.
Nous devons définir notre voie et la suivre contre vents et marées, acceptant ceux qui s’y reconnaissent et veulent la rendre plus dynamique, mais écartant  ceux qui s’y greffent pour d’autres fins.
- Et, enfin, ne nous voilons pas la face, des difficultés internes. Se soustraire à la pensée unique reste une règle incontournable de l’APLI. Elle a d’innombrables avantages dont la possibilité de débats contradictoires permettant des analyses fines et des solutions adaptées.
Elle implique aussi des différences de positions qui ne peuvent se clarifier que par le vote majoritaire démocratique. Certains de nos membres, semant le trouble, n’ont pas compris que l’APLI ne dérogerait jamais à cette règle et ont quitté notre conseil d’administration. C’est regrettable mais il ne pouvait en être autrement.

Malgré toutes ces embûches et ces  handicaps, l’APLI a dépensé énormément d’énergie et remporté nombre de batailles :
-    Nous sommes enfin invités, n’en déplaise à Mr Beulin et consorts, aux réunions de travail ministérielles sur l’après quotas. Et nous  y sommes écoutés.
-    Avec l’Office du lait, créé faut il le rappeler par l’APLI, nous avons organisé de nombreuses réunions d’information  et permis  la création des FranceMilkboard, Il faut saluer ici l’acharnement de Paul pour la mise en place et l’agrément de ces structures.
-    Le projet de lait équitable (une révolution en soi) a déjà bien démarré, le lancement national de FaireFrance sera le 28 septembre à Paris, et là je donnerai un coup de chapeau à Richard et à son conseil d’administration qui, avec ténacité, ont porté le projet jusqu’au bout contre vent et marées.
-    Nous travaillons également l’agrément de l’AOP. Après avoir fait reconnaître plusieurs OP FMB.

L’APLI  reste  donc bien le coordonnateur entre ces différentes entités,
L’APLI assure le lien avec l’EMB,
L’APLI reste prête à tout autre type d’action de construction ou de contestation, nationale ou européenne.

Le bilan de l’APLI est donc  largement positif. Comment pourrait-il en être autrement alors que nous partions du néant? Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir, c’est une lutte contre la montre car le nombre de cessations laitières ne cesse de croître.

Il nous faut assurément analyser posément les avancées et les erreurs commises, non pour se lamenter mais pour en tirer l’essence d’améliorations possibles. Compenser le manque de moyens par une re-mobilisation des troupes maintenant que nos arguments, à l’épreuve du temps, montrent toute leur pertinence.

Rester fidèle à nos valeurs de départ.
Sans doute aussi, faut il se rapprocher de ceux qui connaissent les mêmes déboires que nous, j’entends par là les autres filières d’élevage. Il ne s’agit pas de déclencher une guerre fratricide qui laisserait à penser que l’on veut déshabiller Pierre pour habiller Paul. Mais, nul ne peut le nier, le monde animal n’a pas les mêmes problèmes que le monde végétal.

Mais, en récusant le poids des normes et en défendant ensemble, tous éleveurs réunis, les leviers qui nous paraissent évidents: les coûts de production, la rémunération du travail et du capital, la gestion des volumes, nous pourrions  jouer un rôle d’autant plus important tant au niveau des décideurs que des consommateurs.

L’APLI existe et continuera d’exister


Lors de l'AG 2013 de l'APLI, André Pflimlin a parlé de l'Europe laitière

La double impasse : marché libéral et modèle de production

 

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André Pflimlin, l’auteur du livre « Europe laitière » (Editions France Agricole, 2010) - voir Dans son livre, Europe laitière, André Pflimlin condamne le libéralisme, était l’invité de l’assemblée générale de l’APLI le 5 septembre 2013.



 

Photo : André Pflimlin avec le président de l'APLI, André Lefranc

 

Il est intervenu sur le thème « Europe laitière, la double impasse : le marché libéral et le modèle de production. Comment en sortir ? ».

Plan de l’exposé

I - Le marché mondial beurre-poudre est un leurre pour les producteurs européens.

II  - La dérégulation et la mise en compétition des éleveurs et des régions de l’UE à 27 est une arme de destruction massive…

III - Pour une autre politique laitière et rurale :

-          La privatisation du marché laitier UE… pour l’OMC ?

-          La plupart des autres grands pays se protègent

-          La nécessité d’une régulation européenne

Conclusion

 

Voici le résumé des deux premières parties.

 

I - L’autorégulation du marché laitier est une utopie ou un mensonge

 

La demande est rigide (aliments au quotidien). L’offre dépend des investissements à long terme (c’est une industrie lourde) mais aussi des aléas climatiques et des rapports de prix lait-concentrés.

L’offre reste atomisée : plus de un million de producteurs, dont beaucoup de petits, alors que la transformation est de plus en plus concentrée : une douzaine de laiteries font plus de la moitié du lait UE… souvent avec une quasi-exclusivité de collecte. On est loin du marché idéal, cher aux économistes libéraux.

 

Le marché mondial des produits laitiers ne représente que 6 % de la production. L’essentiel est consommé dans les pays ! Il est composé pour plus de 80 % de produits industriels (beurres et poudres de lait). Il est pourvu pour moitié par l’Océanie et l’Amérique du Sud avec du lait de pâturage, à faible coût de production mais à forte sensibilité climatique.

L’absence de stockage public (UE et USA) encourage la spéculation et rend le marché de plus en plus volatil. D’où un prix du lait sur le marché mondial qui varie de 180 à 360 euros par tonne équivalent lait.

 

La Nouvelle-Zélande tient le marché beurre-poudre (un tiers du marché mondial) avec 2,5 % de la production de lait. Avec une matière première peu coûteuse, c’est un pays idéal pour faire du lait pas cher (moins de 200 euros par tonne) :

-          pâturage toute l’année sans complément,

-          pas de bâtiment ni de matériel, hors salle de traite,

-          des troupeaux de 400 vaches par élevage et 1 à 2 travailleurs (UTA).

La coopérative Fonterra collecte et exporte plus de 90 % de la production, sous forme de beurre-poudre, essentiellement, en contrat pérenne avec des pays importateurs dans le monde entier. Fonterra contrôle les marchés à terme de la poudre de lait. En 2011-2012, la Nouvelle-Zélande a fait + 10 % de lait (1,5 million de tonnes), ce qui a fait chuter les prix sur le marché mondial. Début 2013, la sécheresse (baisse de 5 % de la production) a provoqué une remontée des prix.

 

Conclusion : l’Europe doit choisir clairement entre deux stratégies :

-          Produire beaucoup et à bas prix pour l’export de poudre et gagner des marchés sur Fonterra, et selon les règles de l’OMC, donc sans aides et sans protections aux frontières.

-          Produire surtout pour un marché européen mieux protégé, avec des produits régionaux, et n’exporter que des produits de qualité sans aides.

 

II  - La dérégulation et la mise en compétition des éleveurs et des régions de l’UE à 27 est une arme de destruction massive…

 

Jusqu’à aujourd’hui, la diversité des élevages et des régions laitières est déjà considérable mais était régulée dans l’UE à 27. Demain, avec la fin des quotas, la compétition entre pays et régions sera plus inéquitable et plus destructrice.

 

Localisation de la production laitière en Europe

- UE à 15 : 80 % du lait. Concentration : 50 % du lait sur 10 % des surfaces. Diversité de taille des troupeaux et de systèmes (moyenne 45 VL par troupeau ; Autriche : 12 ; Danemark : 120).

- 12 nouveaux pays dans l’UE : 20 % du lait UE et 80 % des élevages. Grands troupeaux (100 à 1000 VL, mais aussi de nombreux très petits troupeaux (moins de 5 VL).

Demain, avec la fin des quotas, la compétition entre pays et régions sera plus inéquitable et plus destructrice, même entre les pays de l’Europe de l’ouest (…)

 

Les deux « modèles » extrêmes à ne pas suivre :

-          Danemark : 3 % du lait UE. Modèle unique « quitte ou double » : 150 VL à 9 000 kg.

-          Irlande : 3,5 % du lait UE. Modèle unique herbe : 60 VL à plus de 5 000 kg. Toujours plus de pâturage. Et de poudre ?...

Danemark :

Jutland une autre Bretagne ; 90 % de la SAU labourable pour produire du lait ou du porc.

Une restructuration vertigineuse : de 33 000 troupeaux à 30 VL en 1984 à 3 300 troupeaux à 150 VL en 2013.

Investissements énormes : nouvelles étables, terres, quota, mécanisation, robot, ration complète.

Rachat des fermes pour l’installation avec des prêts à très long terme (30 ans ou plus, dont 10 sans rembourser de capital).

Un taux d’endettement moyen de 20 000 euros par VL et 100 à 150 euros de frais financiers par tonne de lait. Augmentation de la production (+ 1,5 % en 2012-2013) pour les banques et la coopérative ARLA.

 

Irlande : toujours plus de lait à l’herbe !

Un coût de production (hors main-d’œuvre) de 150 euros par tonne de lait (9 à 10 mois de pâture, peu de bâtiments et de stockage, peu de concentrés, davantage d’engrais azoté). Proche du modèle néo-zélandais, avec des vaches plus rustiques.

A l’avenir, face à la crise et au chômage : produire plus et exporter plus (80 % du lait est exporté, sous forme de beurre et de poudre sur le marché mondial). Donc, plus de pâturage et plus de lait, moins de vaches allaitantes et de bœufs. Encore plus de beurre et de poudre (sans aides de l’UE ?).

 

France et filières de qualité ? 16 % du lait UE, 70 000 troupeaux

-          Les systèmes avec maïs ensilage (75 % du quota). Des produits frais mais aussi trop de produits industriels (plus-value faible pour le lait « minerai ».

-          Les systèmes herbagers de plaine (moins de 10 % de maïs ensilage). Moins de 10 % du lait, quelques AOC encore peu rémunérées.

-          Les systèmes herbagers de montagne : 10 % du quota, 30 % des producteurs impliqués dans les AOC et un prix du lait souvent plus élevé (Alpes, Jura, mais pas le Massif central).

Le total lait de vache en France : AOC + bio + produits fermiers = 10 % du lait.

 

Quels modèles pour les régions laitières de l’UE ?

A – Modèle danois : 100 000 fermes à 160 VL ; haut risque pour les éleveurs ; lait minerai ; concentration et pollution ici, déprise ailleurs.

B – Modèle bavarois-normand : un million de fermes à 20-50 VL ; diversité des produits et des territoires ; biens publics avec renforcement du 2ème pilier. Quels équilibres, quels soutiens entre les deux ?

 

La suite dans un autre article…

 

Voir aussi ces résumés d’une intervention d’André Pflimlin sur le même thème :





 

AG 2013 APLI : André Pflimlin, les bases d'une autre politique laitière



Maîtriser l’offre de lait au niveau européen

 

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André Pflimlin, l’auteur du livre « Europe laitière » (Editions France Agricole, 2010) - voir Dans son livre, Europe laitière, André Pflimlin condamne le libéralisme, était l’invité de l’assemblée générale de l’APLI le 5 septembre 2013.



 

Il est intervenu sur le thème « Europe laitière, la double impasse : le marché libéral et le modèle de production. Comment en sortir ? »

Plan de l’exposé

I - Le marché mondial beurre-poudre est un leurre pour les producteurs européens.

II  - La dérégulation et la mise en compétition des éleveurs et des régions de l’UE à 27 est une arme de destruction massive…

III - Pour une autre politique laitière et rurale :

-          La privatisation du marché laitier UE… pour l’OMC ?

-          La plupart des autres grands pays se protègent

-          La nécessité d’une régulation européenne

Conclusion

 

Les deux premières parties de cette intervention sont à lire ici : Lors de l'AG 2013 de l'APLI, André Pflimlin a parlé de l'Europe laitière - 14 septembre 2013.

 

Voici le résumé de la 3ème partie et de la conclusion.

 

III – Une autre politique laitière pour l’UE

 

La Commission européenne a oublié les principes des traités de Rome (1960) et de Lisbonne (2009) au profit du libre-échange et de l’OMC. Rappel de ces principes :

-          la sécurité alimentaire pour l’Europe,

-          un niveau de vie équitable pour les agriculteurs et des prix raisonnables pour les consommateurs,

-          la préférence communautaire : la stabilité des marchés avec soutiens internes, taxes à l’import, aides à l’export.

 

Réforme de la PAC votée malgré de fortes critiques

… de la Cour des comptes européenne (novembre 2009) :

-          la PAC lait n’a pas respecté les principes fondateurs de la PAC,

-          l’UE n’est pas compétitive pour l’export de beurre-poudre.

… du Conseil économique et social européen (février 2010) :

-          la sécurité alimentaire laitière UE pourrait être compromise

-          la fin des quotas en 2015 est incompatible avec l’aménagement du territoire, l’agriculture durable…

La Commission reste sourde. Pour elle, c’est le marché qui doit piloter.

 

Le Paquet Lait de la Commission reste dans la ligne 2003-2008 : poursuite de la dérégulation, fin des quotas, compétitivité, soumission à la politique de l’OMC.

-          contractualisation entre les producteurs et leur laiterie (les coopératives qui collectent 60 % du lait restent en dehors),

-          limite au groupement de producteurs de lait (3,5 % des producteurs de lait de l’UE),

-          l’interprofession laitière se limite à de l’information et n’aborde pas l’orientation des prix et des volumes (sauf AOP-IGP),

-          transparence dans la filière : suivi des prix et des marges.

-          Un soutien des marchés toujours a minima.

Et des promesses… absentes du texte final de mars 2012 :

-          soutien renforcé aux zones en difficulté et zones de montagnes ?

-          si crise, rachat par l’UE des cessations volontaires : trop tard ?

Il manque l’essentiel : une régulation des volumes et des prix, et une véritable politique laitière européenne.

 

Un avis défavorable du Comité des Régions, au niveau européen, le 30 mai 2013, concernant le rapport intermédiaire de la Commission sur la sortie des quotas.

-          il constate que les arguments de la Commission pour supprimer les quotas sont de plus en plus contestés,

-          il regrette l’absence d’étude sur les impacts régionaux (montagne, zones défavorisées, zones mixtes, petits troupeaux),

-          il considère que, ni le Paquet Lait, ni l’OCM unique, ne donnent de garanties de maîtrise des volumes et des prix,

-          il propose un moratoire sur les quotas dans l’attente des réponses de la Commission.

Cet avis, présenté par René Souchon (Auvergne), a été adopté en séance plénière à une très large majorité.

 

Hors UE, la plupart des grands pays se protègent…

-          Pays déficitaires, qui se protègent : Japon, Corée du sud, Chine, voire Inde,

-          Pays autosuffisants, avec quota, qui se protègent : Canada,

-          Pays exportateurs, qui se protègent : USA, Argentine,

-          Pays exportateurs libéraux : Nouvelle-Zélande (depuis 1984) et Australie (depuis 2000).

Constat : la dérégulation a toujours entraîné une baisse du prix du lait à la ferme et une hausse pour le consommateur (selon les études Gouin 2008, Broussard 2010 et Kroll 2010).

 

USA : le contre-exemple parfait ? Une politique laitière forte et continue depuis 1934.

A) Pilotage par Congrès et gestion par le ministère de l’agriculture (USDA) :

-          Même prix de base pour tous les éleveurs par région,

-          Compensation du prix du marché (45 % du prix objectif),

-          Des taxes à l’import, des taxes à l’export (comme UE) et, en plus, aides diverses (assurance revenu, ventes à terme).

Une production peu excédentaire par rapport à la consommation jusqu’en 2005 (entre 2 % et 5 % certaines années).

B) Farm Bill  2013-2016 : plus de sécurité pour le lait US

Après l’année difficile 2009, priorité est donnée à la sécurité (éleveurs et consommateurs). Projet des producteurs présenté au Congrès (loi de sécurité laitière).

a) Garantie de marge : prix du lait diminué du coût alimentaire (VL + G) par tonne de lait :

- aide publique à 100 % sur la marge de base (90 dollars par tonne de lait X 80 % de la quantité),

- assurance individuelle  sur la marge 2 (supplémentaire), en 90 et 180 dollars par tonne de lait. Le niveau et le volume assuré sont choisis et financés par l’éleveur.

b) La régulation de la production se fait par la réduction des livraisons par ferme, jusqu’à 4 % de la référence, sinon le lait livré en trop n’est pas payé. Les deux critères retenus sont le prix du lait US par rapport au prix mondial et la marge sur le coût de l’aliment. Les volets a) et b) sont obligatoirement liés dans un même contrat.

Le débat est en cours dans les deux assemblées, avec le soutien des deux partis, démocrate et républicain. Le texte a été adopté au Sénat et repoussé à la Chambre des représentants (députés).

 

Peut-on faire bouger les lignes UE ?

Tout semble ficelé et voté : paquet lait, PAC… Mais tout ce qui permet une régulation de l’offre est encore en place. Convergence autour de certains objectifs :

-          au niveau européen : EMB et Via Campesina,

-           au niveau français : Organisations de producteurs FMB par bassin laitier régional (APLI, OPL, CP) mais il reste un pas important à concrétiser par rapport aux entreprises.

Mais pas de soutien politique :

-          pas d’ouverture côté Commission et Conseil des ministres,

-          écoute et soutien discret au Parlement européen mais vote du Paquet Lait à 83,5 % pour…

Pas de soutien, non plus, du côté des organisations professionnelles majoritaires (FNSEA, FNPL et Copa-Cogeca).

Donc, encore des mois difficiles, en attendant la prochaine crise

 

Calendrier automne 2013-été 2014

- Finalisation de la réforme PAC de juin 2013. Le Parlement européen peut demander la re-discussion de certains points.

- Journée Lait à Bruxelles le 24 septembre. Avec présentation des études sur les impacts régionaux.

- Discussion nationale des adaptations PAC (ministre, OPA : quel rééquilibrage des céréaliers vers les éleveurs ?)

- Loi d’orientation agricole ? Installation ?

- Négociations commerciales bilatérales UE avec USA, Canada, Mercosur.

- Election des députés au Parlement européen en mai 2014, suivie de la désignation d’une nouvelle Commission à l’automne.

 

Conclusion

1) Une autre PAC respectant les hommes et les territoires, dans un monde non durable, en crises :

- une crise globale : finance folle, inégalités croissantes,

- la sécurité alimentaire non assurée, de plus en plus aléatoire (un milliard d’humains a faim, un autre milliard mange trop et mal)

- la dégradation des ressources naturelles : eau, sols, biodiversité…

- l’énergie fossile plus rare, plus chère, et le changement climatique,

- un chômage record : de 5 à 25 % dans l’UE, en moyenne plus de 10 %, plus important chez les jeunes.

Quelle place pour l’élevage bovin ? Davantage de lait que de viande : rendement en protéines X 3 avec des vaches plus mixtes (Normandes par exemple) sur des prairies plutôt que sur des terres à céréales et à maïs.

 

2) La stratégie libérale (OMC) de la Commission est « incompatible avec une politique de cohésion de l’UE et avec le respect de l’environnement, des hommes et des territoires » (CCE-CESE). Un retour à une maîtrise de l’offre inter-pays et inter-laiteries est incontournable, sauf à risquer l’explosion de l’UE !

 

3) Deux objectifs prioritaires et solidaires :

- régulation de l’offre (souveraineté alimentaire ici et ailleurs (Pays en développement),

- systèmes laitiers durables : des soutiens à l’agriculture paysanne, à l’élevage laitier familial et à l’emploi, pas aux usines à lait !

 

Voir aussi ces résumés d’une intervention d’André Pflimlin sur le même thème :